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dimanche 9 septembre 2012

Les dimanches de l'abbé Béthléem 10 : mars 1909


Dixième épisode de notre exploration de Romans-Revue dirigée par l'Abbé Bethléem qui proposait au début du XXe siècle une lecture morale (rigoriste même) des parutions récentes (voir la présentation sur ArchéoSF).

Si les mois de janvier et février 1909 étaient pauvres en littératures populaire, policière et conjecturale, le numéro de mars est lui plus fourni.

Commençons par Vers plus de joie d'André Godard qui est une anticipation d'inspiration chrétienne.

Mais tout devient plus banal.

Ainsi les romans qui nous font le tableau de la société à venir. Originaux il y a vingt ans, ils deviennent légion.

Ainsi le roman de 1995, roman moral et même chrétien, mais que certains détails de vie privée empêchent d'être accessible aux jeunes gens.

En 1995, la vie sociale est en progrès. L'Asie s'est ruée sur l'Europe. Heureusement un savant a fait sauter de loin les poudrières ennemies. Vient la paix. Tout le monde est heureux, en des maisons de vingt étages desservies par des aérotrams. Dans les écoles même où l'on instruit garçons et filles un peu pêle-mêle.
Là se sont connus deux jeunes gens qui s'épouseront grâce au bon abbé Cyprien. Mais l'Asie provoque une nouvelle guerre.
Le livre est clair et gai : il dit l'espoir. Pourquoi finit-il si tristement ?
Mystère du roman romanesque.

Faisions maintenant un large détour vers le roman policier avec deux critiques d'ouvrages récemment parus au moment de la publication de ce numéro de Romans-Revue. Evidemment il est amusant de constater que le livre qui est encensé est tombé aux oubliettes et que celui sur lequel des réserves sont émises est devenu un classique.

Le roman policier est à la mode.

Les aventures extraordinaires, où on lutte dans le mystère contre des ennemis invisibles, partant plus redoutables, captivent pas mal de nos contemporains. Le. feuilleton populaire se renouvelle. Sherlock Holmes a passé par là.

Le roman policier est à la mode. Ceux qui ne le goûtent point ne peuvent être que des béotiens. Je ne dirai donc pas que je ne l'aime guère.

Voici Rouletabille, devenu reporter à Paris, après, avoir été décrotteur à Marseille. Jeune, au collège, il a connu une dame qu'il appelait maman, et qui se disait amie de sa mère.
Des vêtements noirs de l'inconnue se dégageait un parfum qu'il ne peut oublier.
Reporter, ayant aidé à découvrir des crimes, il retrouve, soudain le parfum. Il découvre sa mère. Il saura se taire...
Mais vraiment le souffle me manque, et la mémoire. Je ne pourrais plus dire en quelles circonstances un mort reparaît, comment on le retrouve dans une armoire pour le tuer.
Le tuer? Erreur! Il ressuscite de nouveau, tue son rival, jusqu'à ce que celui-ci reparaisse à son tour et amène l'empoisonnement du vivant obstiné.
C'est peu clair, direz-vous. En toute sincérité, ce n'est pas ma faute.
Le roman policier est à la mode, vous dis-je. Les romancières s'en mêlent, y mettant naturellement moins de noir et plus de rose et de sentiment.

Guy Chantepleure imagine des aventures comme le premier disciple de Conan Doyle. Oyez plutôt.

1er acte. Fridoline est secrétaire de Mme veuve Gloriette.

Un jeune homme riche mais timide, Séverin, bibliophile enragé, vient consulter la bibliothèque de la veuve. Celle-ci a juré de lui faire oublier sa fiancée. Il aimera une jeune fille pauvre. Ce sera elle puisqu'elle prend la place de Fridoline.
2me acte. La comédie amusante commence. Coup de théâtre : le bibliophile s'éprend de la châtelaine, c'est-à-dire de Fridoline. Celle-ci avoue la supercherie. Colère de la veuve Gloriette. Colère de Séverin. Parmi toutes ces colères Séverin et Fridoline s'épousent.
3me acte. Mme Gloriette a brouillé les cartes. Séverin qui ne se croit pas aimé s'enfuit. Fridoline furieuse se sauve.
4me acte. Fridoline, lectrice d'une autre grande dame, voyagé en Italie, s'éprend d'un poète qui l'aime. Hélas! Elle ne peut pas l'épouser : elle est toujours l'épouse de Séverin.
5me acte. On a enlevé Fridoline en automobile. Coup de théâtre : l'auto a une panne. Le chauffeur va chercher du secours. Fridoline se réfugie dans la maison la plus proche.
Nouveau coup de théâtre : cette maison c'est la sienne celle qu'elle abandonna. Un monsieur est là: son mari! C'était lui le poète. Apothéose: ils s'aimeront désormais en paix loin des veuves ombrageuses.

Vous aurez reconnu Le Parfum de la dame en noir de Gaston Leroux et sans doute ne connaissiez-vous pas plus que moi La Folle histoire de Fridoline de G. Chantepleure.

Je ne résiste pas à vous livrer aussi quelques perles d'écrivains recueillies dans ce volume:

Quelques paroles relevées parmi les écrivains et les auteurs dramatiques :

Flaubert qui aimait à collectionner les bévues littéraires, ne se serait jamais douté que ses oeuvres écrites avec tant de scrupules fourniraient au curieux de quoi enrichir la collection. C'est lui qui, en parlant du docteur Bovary, a écrit cette phrase : « Il veut pour sa fête une belle tête phrénologique toute marquetée jusqu'au THORAX et peinte en bleu.

Molière fait dire au Misanthrope :

Pourvu que votre coeur veuille donner les mains aux dessins que j'ai faits...
Victor Hugo, dans la Légende des Siècles, fait dire à Othon III : « Et je n'ai pas l'esprit d'un docteur en Sorbonne.» (Mort d'Othon III, 1002, fondation de la Sorbonne en 1252).
De Jules Claretie, dans le Prince Zilah, cette scène d'enfant : « Le plus petit, âgé: de dix-huit mois, se roulait aux pieds des deux autres qui en avaient trois et quatre... »

Pour finir cette recommandation de l'abbé Bethléem en personne répondant à une question de lecteur:

Que faut-il penser des diverses publications illustrées pour enfants, telles que l'Épatant, les Jeudis illustrés, Le Petit illustré, le Pêle-Mêle [voir un exemple de dessin publié dans le Pêle-Mêle], les Belles Images, etc. ? Il serait utile aux directeurs d'oeuvres d'être renseignés sur ces journaux pour l'attitude à tenir vis-à-vis de leurs jeunes lecteurs.

R. — Nous pensons que toutes ces publications réunies ne valent pas pour les enfants le Noël, 10 francs par an, à la Bonne Presse, 5, rue Bayard, Paris.
Les dimanches de l'abbé Bethléem 1: mars-mai 1908

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