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ISSN 2496-9346

mercredi 15 mars 2017

Clément Vautel, Du pain sur la planche (1940)

Clément Vautel a livré plusieurs textes conjecturaux. Dans l'article qui suit il rapporte les commentaires de Frédéric Joliot-Curie lors de la projection de films d'anticipation au musée de l'Homme en 1940. Le conservateur Clément Vautel fait part de ses réflexions sur le progrès humain et sur la possibilité de quitter une planète Terre épuisée pour conquérir d'autres mondes.

MON FILM : DU PAIN SUR LA PLANCHE

Des films d'« anticipations » — genre facile — viennent d'être présentés au musée de l'Homme, et M. Joliot-Curie les a accompagnés de commentaires. Étant un savant, il n'a pas manqué de proclamer que la science était la meilleure des choses. (A vrai dire, tous les savants ne sont pas de cet avis-là)
L'homme n'a guère que quarante ou cinquante mille ans, a déclaré M. Joliot-Curie, mille générations au total. Et malgré tous les malheurs présents, n'a-t-il pas une vie plus facile que l'homme préhistorique ?
Personne ne peut préciser, même à dix mille ans près, la date à laquelle est apparu, sur la terre, le premier de ces messieurs, suivi sans doute de très près par the first lady in the World ! N'importe, admettons la chronologie de M. Joliot-Curie et disons-nous :
Nous avons tout de même progressé depuis quatre ou cinq cents siècles. Ah ! l'humanité n'a pas gâché son temps !
Seulement, qu'elle continue à progresser dans le même sens et nous finirons par nous retrouver à l'âge des cavernes. Nous y sommes déjà un peu. Nos cavernes sont perfectionnées — casemates de la ligne Maginot, caves-abris, etc. Mais c'est un revenez-y au genre d'existence qu'on menait aux âges préhistoriques. Encore les hommes de ce temps-là ne se battaient qu'avec des haches de silex — les veinards ! — et les femmes, si elles étaient déjà vêtues de peaux de bêtes, ne portaient pas du vulgaire lapin.
Un film de H. G. Wells, a inspiré à M. Joliot-Curie des propos très intéressants sur nos futures relations avec les autres mondes. Ça commencera par l'envoi d'un projectile dans la lune. Charmante façon de faire connaissance avec notre blonde voisine ! Jules Verne y avait déjà pensé, mais son obus capitonné transportait Nadar, spirituel Parisien bien fait pour arranger les choses après une si discourtoise prise de contact.
Puis nous nous occuperons des planètes. Pourquoi chercherons-nous à entrer en relations avec ces sœurs célestes qui sont tout de même des parentes éloignées ?
Parce que, a dit M. Joliot-Curie, la terre aura un jour épuisé ses ressources d'énergie.
La vie biologique n'y sera plus possible. Si l'on désire conserver la race, il faut envisager un départ pour les autres planètes.
Oui, mais voilà, faut-il conserver la race ?
Au surplus, la théorie de l' « espace vital » — M. Joliot-Curie l'a empruntée, me semble-t-il — ne sera peut-être pas admise par les planètes. Et voilà la guerre allumée. La première guerre intermondiale !
Elle aura, quoi qu'il arrive, cet heureux résultat : les Terriens cesseront de se battre entre eux comme des idiots.

Clément Vautel, « Mon film. Du pain sur la planche », Le Journal, n°17282, 13 février 1940

A lire sur ArchéoSF:
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Clément Vautel, Comment voyez-vous Paris dans cinquante ans?
Clément Vautel, La Grève des bourgeois
Clément Vautel, Le féminisme en 1958
 
Pour aller plus loin:
Les Nouvelles conjecturales de Clément Vautel dans Galaxies Science Fiction n° 15
Laurent Joly, « Le préjugé antisémite entre « bon sens » et humour gaulois. Clément Vautel (1876-1954), chroniqueur et romancier populaire », Archives juives, 2010/1, volume 43 (lire en ligne)

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